Économie Solidaire

La consommation effrénée s’arrêtera-t-elle ?

Toujours consommer, travailler plus pour gagner plus pour consommer plus et espérer être un peu plus heureux à la fin de notre misérable mois. Il faut dire les vraies choses, consommer ne rend pas plus heureux. La plupart des gens s’accordent pour dire que l’argent ne fait pas le bonheur, mais en réponse ils brûlent cet argent pour des choses d’autant plus futiles.

Du dernier Ipod aux vêtements, de la voiture aux voyages de luxe, la consommation dicte aujourd’hui notre manière de vivre. Nous vivons dans un monde paradoxal où il est tabou de parler d’argent pour ne pas susciter de jalousies, mais où on n’hésite pas à étaler à outrance ses photos de voyages et ses derniers gadgets à l’instar d’un président bling bling ou d’un ouvrier aux biens ostentatoires qu’il s’est payé grâce à ses derniers crédits à la consommation.

Bien sûr, on parle en mal de ceux qui dépensent trop, de ceux qui sont trop riches à nos yeux, mais ce n’est uniquement par ce qu’au fond de nous, nous en sommes terriblement jaloux. Combien de fervents communistes qui luttent « contre »* le système ne rêvent secrètement que d’être des millionnaires sans scrupules ?


Photo sous licence creative commons par Michael Holden

Tous consommateurs !

Même dans l’écologie et dans l’équitable, ces schémas se répètent. Les derniers gadgets écolos ou le dernier vélo en bambou se vendent comme des petits pains sous prétexte de sauver la planète, mais ce faisant contribuent quand même à remplir les déchetteries d’objets en parfait état car ceux ci sont associés à une mauvaise image. Dans le monde de la parure, ce qui compte n’est pas tant de posséder que de se faire voir en train de posséder. Sur une île déserte, aucun intérêt à consommer sinon nos intérêts personnels.

Faites une recherche sur internet sur le terme « Consommer moins » et vous tomberez sur des articles tel que celui ci qui vous expliquent comment Consommer moins d’essence ! Intéressant, des gens alternatifs… Et non, c’est simplement que la consommation d’essence ne se voit pas, aucun intérêt donc d’en acheter plus que nécessaire. Et merde, et moi qui pensait avoir trouvé des gens qui pensent comme moi. En même temps, certains propriétaires de 4×4 ne cachent pas leur envie de dire simplement « Hey regarde, j’ai un gros camion bien beau et j’assume aisément son prix en essence ! ». Par chance que je sois au moins tombé sur cet article de Jean Zin sans quoi j’aurais été véritablement triste.

« Et si on remplaçait tout simplement l’avoir par l’être ? »

Mais pourquoi les gens veulent autant posséder des choses ? Pourquoi faut-il toujours consommer, acheter un autre pantalon quand on en a 10 dans sa garde robe ? Pour moi, tout ça s’inscrit dans un processus de crétinisation.

Le producteur, un singe qui travaille toujours plus…

Pour mieux comprendre ce processus, attardons-nous quelques lignes sur les penseurs économiques qui ont forgé le monde d’aujourd’hui. Regardons par exemple du côté de Frederick Winslow Taylor dont les travaux ont conduit à la parcellisation des tâches, à la division du travail et qui clamait haut et fort que « Notre ouvrier idéal est chimpanzé ». Ainsi pour Taylor, « l’ouvrier n’est pas là pour penser, mais pour exécuter des gestes savamment calculés pour lui. Il est encouragé à être performant par un système de primes. Tout travail intellectuel doit être éliminé de l’atelier pour être concentré dans les bureaux de planification et d’organisation de l’entreprise. » (Wikipedia). En résumé, ne réfléchissez pas, respectez les règles d’un système et épanouissez-vous pleinement à l’intérieur de celui-ci.

Ce qui est étonnant pour quelqu’un d’aujourd’hui, c’est que les travailleurs n’ont pas toujours voulu travailler plus pour être plus riches. Au contraire, le modèle de vie a longtemps été le bourgeois. Le bourgeois était envié non pas par sa capacité à acheter à outrance, mais par sa capacité à vivre sans travailler. C’est ainsi qu’il pouvait s’adonner aux plaisirs de la vie et de l’éducation.

Pour la petite histoire : Au 18ème siècle les patrons se retrouvèrent devant une pénurie de main-d’œuvre. Tristes de ne pas faire autant de profit qu’ils le pourraient, ils firent appel aux économistes de l’époque pour que ces derniers trouvent une solution à ce problème. Les économistes mis à tâche découvrirent que si le patron payait un ouvrier suffisamment de manière à ce que celui-ci puisse vivre deux jours de son salaire, le travailleur ne venait pas travailler le lendemain pour profiter du temps supplémentaire afin de rester avec sa famille. La solution des économistes fus simple et efficace. Ils invitèrent les patrons à baisser de moitié le salaire des ouvriers pour que ces derniers soient obligés de travailler tous les jours pour survivre. Les usines pouvaient donc à nouveau fonctionner à pleine allure. Aujourd’hui, plus besoin de ces savants calculs pour faire travailler les gens, les travailleurs veulent de toutes façons toujours plus d’argent, plus d’argent pour acheter plus ! Leur temps n’a aucune valeur à leurs yeux.

Le consommateur, celui qui ne se contrôle pas

Autre allié du processus de crétinisation dans la consommation : le Marketing. Très à la mode ces temps-ci, il permet d’écouler à peu près tous les produits que crée le marché. Alors qu’avant l’économie se situait du côté des théories de la demande (j’ai besoin de vêtements, alors l’entreprise en produit), elle se situe aujourd’hui du côté des théories de l’offre (l’entreprise produit des vêtements même si je n’en ai pas besoin et se sert du marketing pour les écouler). Entre la télévision, les réseaux sociaux et même ce blog, nous sommes constamment confrontés aux matraquages publicitaires. On apprend même à y prendre goût, à parler à nos amis de la dernière publicité qui nous a fait rire ou choqué.

Des sites comme Marketing Alternatif se proposent de parler de campagnes de publicité originales. Non seulement le consommateur consomme l’objet de la publicité, mais il en vient également à consommer la publicité elle-même pour s’informer et se tenir au courant des tendances.

Pour Bernard Stielgler, nous sommes entrés dans une phase de capitalisme pulsionnel, c’est-à-dire d’un « capitalisme qui fait la promotion du degré zéro de la pensée ».

Les pulsions lorsque canalisées au sein d’ « institutions de programmes » (la famille, le club de sport, la région ou l’école) créent la capacité à s’intégrer au sein d’une communauté. Les pulsions canalisées par le désir de vivre en communauté produisent de l’harmonie sociale entre l’Homme et les hommes. Ainsi, éduquer ses enfants est une façon de transmettre des normes qui l’aideront à vivre en société.

Pulsions –> Institutions sociales de programme –> Processus de sublimation sociale –> Transformer les pulsions en désir (Désire de vivre en communauté) –> Produit de l’harmonie sociale et du rapport Homme / homme (grand H, petit h)

Le « capitalisme pulsionnel » véhiculé par le biais des entreprises a cependant besoin de casser ce cycle afin de d’écouler toujours plus de marchandises et de s’assurer de leur rentabilité. C’est grâce aux publicités, à la mode et aux pressions sociales qu’elles engendrent un nouveau système qui prend la place du cycle initial.

Les pulsions de l’Homme sont alors manipulées par le biais des institutions du marketing afin que ses pulsions soient transformées en besoins. On en vient ainsi à croire que nos désirs sont des besoins. Ainsi, un individu se retrouvera à acheter impulsivement lorsqu’il est triste ou lors d’un évènement stressant de sa vie, mais également lorsqu’il est heureux.

Pulsions –> Industrie de programme –> Processus de Manipulation –> Transfert des pulsions en besoins –> Rapport Homme / objet.

Alors que parfois lorsque l’on va mal un simple coup de téléphone à un ami ou une discussion avec un proche peut nous aider à canaliser nos émotions, nous éprouvons aujourd’hui un besoin permanent d’acheter. C’est de cette façon que l’on crée des acheteurs compulsifs.

Prêt à la consommation, c’est utile (pour les autres) !

Dans notre rapport à la consommation, il est intéressant de savoir que la machine économique mondiale pourrait être produite par 20% de la population, mais qu’elle a besoin de 100% d’acheteurs pour écouler ses produits. On comprend mieux pourquoi les prêts à la consommation se généralisent autant. Le pays le plus riche du monde, les Etats-Unis fonctionne grâce à une économie du prêt très performante. Malgré ce que l’on pourrait croire, la crise des surprimes ne signifie pas que cette économie ne fonctionne pas, mais qu’elle est devenue centrale au pays. Tellement centrale, qu’il suffit que 5% de la population des Etats-Unis ait du mal à rembourser sa maison que l’on craint déjà une crise mondiale.

Bref, la consommation n’est pas simplement qu’un trait de personnalité, mais un système social et économique savamment ordonné de façon à entretenir le système de surabondance dans lequel nous vivons. En transformant nos pulsions en besoins, les entreprises via le marketing nous poussent à penser qu’acheter nous rend heureux.

Si le sujet vous intéresse, voici une vidéo très pertinente. Malheureusement, elle est en anglais, Worker of The World Relax.

* Je suis de ceux qui croient que dans le monde du spectacle, même les opposants contribuent au système.

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